Wednesday, March 15, 2006

Rwanda: RADIOSCOPIE DU SYSTEME Paul KAGAME - par Eugène Ndahayo

RADIOSCOPIE DU SYSTEME KAGAME : SON MODE DE FONCTIONNEMENT, SES PRINCIPES ET REGLES DE BASE.

Dans une interview qu'il a accordée à "Jeune Afrique l'Intelligent" n° 2302 du 20 février 2005, le président rwandais, le général Kagame à qui le journaliste François Soudan faisait la réflexion qu’on a parfois l'impression qu’il dirige le Rwanda comme on commande à une caserne, avait fait l’objection suivante : « Je m'efforce de diriger le Rwanda comme on dirige une entreprise. Une entreprise dont je suis le chief executive et dont les cadres, les ministres en l'occurrence, sont tenus par des critères de performance. Une entreprise qui se doit de croître et de dégager des profits dans un seul but: le bien-être du peuple rwandais. Comme toute entreprise, nous sommes jugés sur nos bilans. »

Quelques mois plus tard, à l’issue d’une visite effectuée dans les pays de la région des Grands Lacs, le Ministre belge des Affaires Etrangères, Karl De Gucht, s’est émerveillé face à cet « Etat qui marche » et s’est félicité du sens aigu de l’Etat dont font preuve les responsables rwandais et de l’ordre qui règne dans ce pays, contrairement au chaos et aux atermoiements de la classe politique en République Démocratique du Congo : « Au Congo, je n'ai pas rencontré beaucoup de personnes semblant en mesure de fournir une contribution décente à la gestion d'un pays.» À propos du gouvernement rwandais, responsable de cinq ans de guerre d'agression et de pillage au Congo, le même De Gucht affirma: «Il est clair qu'ici, quelqu'un tient le gouvernail en main. Il y a de l'ordre et de la rationalité dans la gestion de l'Etat et il y a peu de corruption.».
Pourtant de nombreuses voix dont celles des organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch…connues pour leur objectivité, des chercheurs indépendants, des journalistes et des Rwandais d’origines ethniques et de conditions sociales différentes ne cessent de dénoncer le totalitarisme et la criminalité étatique érigés en méthode de gouvernement par le régime de Kigali.
S’il est vrai qu’un ordre de façade règne au pays des Mille collines et que les Rwandais de l’intérieur sont plutôt « disciplinés » et semblent marcher tous au pas, il s’agit d’une vision strabique créée par un ordre imposé à la baïonnette, un ordre où la force brutale prime et où la violence et la terreur constituent un moyen normal du pouvoir, un ordre où chacun doit choisir entre la vie (en renonçant à ses droits) et la mort (en refusant la soumission), un ordre où l’existence de l’adversaire politique est niée et où ce dernier est perçu en ennemi et combattu avec des armes de guerre : le tuer, le jeter en prison ou le suicider, un ordre où le pillage de l’économie nationale et le mensonge sont une banalité, un ordre où la pensée n’existe plus et où la liberté a disparu, un ordre où les victimes doivent se réjouir de leur sort.
N’en déplaise à ceux qui prétendent que c’est « le Meilleur des Mondes », cet ordre qui est devenu une fin en soi, a un nom plus approprié : la barbarie, ou la sauvagerie, et il participe plutôt à la destruction et à la disparition de l’Etat et de l’ordre politique démocratique qu’à leurs construction et consolidation. Et les faits montrent que méthodes de gestion de « l’homme fort de Kigali », que semblent apprécier le Ministre belge et le journaliste de JAI, sont fortement inspirées à la fois du stalinisme et du National-Socialisme et s’apparentent à s’y méprendre à celles développées dans le roman «1984 » de George Orwell.
I- UN SYSTEME DE TYPE MAFFIEUX : KAGAME, UN PARRAIN PLUTOT QU’UN CHEF D’ETAT .
Pour régir les masses et les individus, la priorité pour l’ex-chef rebelle, depuis la victoire militaire du Front Patriotique Rwandais (FPR) au pouvoir à Kigali en juillet 1994, a été de s’assurer le contrôle de toutes les institutions politiques et d’avoir la haute main sur tous les leviers de la finance et de l’économie du pays.
Kagame a ainsi conçu et mis en place dans les moindres détails un vaste plan de domination et assigné à ses lieutenants un rôle particulier dans le mécanisme de main mise et de contrôle total du pays. Au cœur de la mise en branle de ce plan, Kagame seul décide du sort de tous les autres, les couvre de gloire ou les voue à la honte, transforme les serviteurs de son système en fidèles ou en traîtres. A cette fin, aucun moyen possible pour assurer l’hégémonie du maître du Rwanda, présenté comme le protecteur et le rémunérateur de tous ceux qui se soumettent à lui, n’est épargné : massacres au grand jour, exécutions moins apparentes et plus expéditives, assassinats ciblés, achat des consciences, mensonges, imposture, trahison, …et tout autre moyen nécessaire pour maintenir la terreur, briser toute résistance et produire une soumission aveugle.
Pour mener à bien son plan, il a constitué autour de lui une nébuleuse militaro-politico-financière, une sorte d’organisation de type maffieux, connue sous le nom d’Akazu, qui contrôle toute la vie politique, sociale, économique et financière du pays. Cette organisation a des ambitions illimitées, une convoitise dévorante, une haine ethnique intense envers les Hutu et une vengeance impitoyable. Il va de soi que l’Akazu n’est pas officiellement légal et, partant, est irresponsable. Ce qui le rend d'autant plus audacieux et sans scrupule.
C’est ce pouvoir parallèle qui règle la vie politique, qui fait et défait les carrières, qui accorde les privilèges, qui fait et dit la loi, qui met à mort ou fait grâce, qui contrôle l’armée …Bref l’Akazu est si puissant qu'il peut à tout moment et en tout lieu écraser les mécontents ou les récalcitrants. Les institutions officielles de l’Etat ne font que suivre les instructions tracées par le Parrain et l’Akazu. S’il arrive que des fois, pour donner l’illusion de la démocratie, on accorde quelques minutes de récréation aux incorrigibles bavards pour parlotter au sein des assemblées parlementaires et administratives ou d'impudents journalistes attaquer les pouvoirs administratifs, tout le monde sait que ce serait courir un risque mortel de mettre directement en cause le Parrain.
Ce pouvoir secret n'hésite pas à changer les agents qui le masquent. Et quand il le faut, le Parrain n’hésite pas à sacrifier ses plus proches collaborateurs et à renouveler ses écuries. Le sort réservé aux sacrifiés dépend du signal que le Parrain veut envoyer : fort ou soft. Les moins chanceux sont soit purement et simplement assassinés, soit livrés en pâture à la presse et à la justice qui leur font porter le chapeau des crimes et délits du régime avant de les emprisonner ; les plus chanceux soit obtiennent des postes qui les éloignent du pays, soit prennent la voie du garage. Aujourd’hui, Kagame est entouré de jeunes cadres et de jeunes officiers qu’il a promus lui-même et qui lui sont très dévoués. Les rares anciens compagnons qu’on voit encore à ses côtés sont ceux qui ne représentent pas encore une menace pour lui à court ou moyen termes. Dans son livre témoignage à la page 441, Abdul Ruzibiza, un ancien du Network Commando au sein de l’Armée Patriotique Rwandaise explique ainsi ce dévouement : d’une part « Sous la menace de renvoi, les militaires qui savent qu’ils n’ont aucun niveau d’études, sans autre alternative dans la vie, acceptent tous les caprices de leur chef. Ils savent qu’en cas de renvoi, Kagame fera tout pour leur compliquer la vie en les plongeant dans la pauvreté la plus totale, de façon à ce que le retour à la vie civile soit une véritable galère. En outre, une fois renvoyé, le militaire est poursuivi, voire traqué par les services spéciaux pour activités subversives supposées. Cette situation traumatise certains militaires qui préfèrent se rattacher à Kagame même s’ils ne sont pas d’accord avec ses agissements ».
D’autre part, « un stratagème employé par Paul Kagame pour asseoir sa dictature sur l’armée est de faire en sorte que chaque militaire se son entourage proche ait au moins participé à des massacres de civils et autres assassinats. Il se sent ainsi lié au chef par le secret du crime, obligé de ses solidariser avec lui et de se protéger mutuellement. Ce point est important pour comprendre la politique criminelle de Kagame. La plupart des officiers de son entourage peuvent mourir pour lui par le seul fait de leur connivence à propos des crimes perpétrés de concert. » (Lieutenant Abdul Joshua Ruzibiza, Rwanda, L’histoire secrète, éditions du Panama, 2005).
Le FPR est aussi passé sous le contrôle de l’Akazu. Depuis l’année 2000, le parti est tombé entre les mains du Parrain et lui est assujetti, d’autant plus que Kagame cumule ses fonctions de Président de la République avec celles de président du FPR.
2- LA TERREUR ET LA VIOLENCE COMME PRINCIPES DE BASE DU SYSTEME.
''Notre politique n'a pas été le fruit du hasard. Elle a été d'abord mûrement réfléchie par des hommes qui l'ont conçue. Des hommes disposant d'une stratégie pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés, quoi qu'il arrive…). Le problème c'est que les Rwandais sont aveugles. Même quand vous leur montrez une chose, ils ne la voient pas. Ils ressemblent à un chien qui, avant d'être tué, perd d'abord l'utilisation de ses narines qui deviennent bouchées''(…) Je déplore que certains veuillent être blessés avant de comprendre que rien n'empêchera la poursuite de notre politique. Nous avons le devoir de faire en sorte qu'ils soient frappés pour qu'ils puissent le comprendre(…) Le comble de malheur c'est que leur attitude va contribuer à nous rendre plus durs. Cela va nous pousser à faire des choses que nous ne devrions pas normalement faire''.…« Ceux qui ne sont pas d’accord avec ce que je tiens à réaliser, comme s’ils ignoraient que je réalise tout ce que je dis, lorsque j’ai dit que je vais rapatrier les réfugiés et je l’ai fait, j’ai dit que je vais ramener la paix et je l’ai ramenée, ceux qui n’y croient pas ou qui ne le comprennent pas le comprendront après que je les aurais blessés »… …« Ceux qui disent qu’ils ont une récolte de sorgho et de maïs, moi je leur dis que nous avons des moulins, nous allons moudre ce maïs et ce sorgho »…; …« le résultat des élections prévues prochainement, moi je le sais à 100%, le résultat sera le résultat que j’aurai planifié moi-même et conforme à la volonté du gouvernement seulement » ; « Les exilés qui passent leur temps à aboyer, ne reviendront que pour enseigner les divisions mais je vais les blesser à leur tour »… ; …« Ceux qui fuient le pays en cachette et sous notre regard, nous les laissons partir, il y a ceux qui sont encore retenus par les postes qu’ils occupent au sein du Gouvernement, je vais les limoger pour leur faciliter la fuite »…
Ces mots extraits du l’allocution du président Kagame à Rebero (Bwisige), le 31 mars 2003, à quelques mois des dernières élections générales, traduisent l’état d’esprit et la philosophie politique de celui qui préside aux destinées du peuple rwandais depuis plus de 11 ans. Au lieu de chercher à conquérir le cœur des Rwandais, il s’emploie plutôt à faire saigner les coeurs. Serait-il d’ailleurs en être autrement ? En effet, comment peut-on arriver à espérer que quelqu’un qui a pris le pouvoir en marchant sur des centaines de milliers de cadavres, quelqu’un dont la responsabilité personnelle dans le génocide, dans des crimes contre l’humanité et autres crimes de guerres au Rwanda et à l’extérieur du Rwanda est engagée et qui redoute d’en répondre devant la justice s’il n’est plus au pouvoir, quelqu’un qui considère 85% de la population comme des ennemis et les traite comme tels, quelqu’un dont le seul projet politique est la revanche ethnique des Tutsi sur les Hutu, puisse accepter de jouer le jeu démocratique de la libre compétition électorale entre partis politiques dans la mesure où au départ il est assuré de perdre ?
Pour assurer sa domination et acquérir soumission rien n’arrête le général Kagame. Quand il a un objectif à atteindre, il ne s’arrête pas devant les moyens, ni ne compte le nombre des victimes devant être sacrifiées pour la réalisation de cet objectif ! Ses victimes ne se calculent ni en dizaines, ni en centaines, ni en milliers mais bien en millions de morts! Il le fait avec une délectation d’autant plus voluptueuse que ces victimes sont quasi toutes des Hutu et qu’à ses yeux tuer des Hutu est plutôt une œuvre de salubrité sociale. Pour lui, comme pour les autres extrémistes tutsi, le Hutu est un génocidaire de fait (s’il est majeur) ou un génocidaire en puissance (s’il est mineur) qui doit être mis hors d’état de nuire dans l’intérêt supérieur du Tutsi.:"Des enfants de génocidaires, élevés dans l'idéologie du génocide, sont potentiellement aussi dangereux que leurs parents. Surtout s’ils sont armés. En tout état de cause, nous avons un devoir de prévention à leur égard " [Le président Paul Kagame à Jeune Afrique Intelligent - février 28, 2005].
« L’homme fort » s’appuie en cela sur une administration territoriale et locale soigneusement écrémée, sur une armée pléthorique et omniprésente et sur d’importantes forces de police ordinaire et secrète pour punir ceux qui refusent de se soumettre, mais aussi pour masquer ses entreprises ou inventer des explications plausibles des évènements. A travers les agents de la police secrète disséminés dans les hautes et dans les basses classes de la société, dans les administrations, chez les employés, les ouvriers, les taximen, les employés de maison, etc. et dont le rôle consiste à servir de témoin à charge et à fabriquer des preuves, le général-président Kagame, tel « Big Brother » dans « 1984 », scrute le moindre geste de ses sujets, leurs états d’âme, traquant les pensées, les actes d’insoumission partout au Rwanda, à chaque coin de rue, dans chaque bureau, dans chaque maison, au bar, sur les collines au fin fond de la campagne, etc.! Les nouvelles technologies de surveillance (notamment par l’écoute) viennent compléter le dispositif. Un budget conséquent est mis chaque année à la disposition des « National Security Services », c’est-à-dire les renseignements intérieurs (Internal National Service), les renseignements extérieurs (External National Service) ainsi que l’Immigration et l’Emigration qui rendent tous directement compte à Kagame. Pour l’année 2005 la loi des finances 2005 prévoyait un budget de 2.6 milliards de FRW. Cela équivaut au budget du ministère de la justice. C’est plus que le budget des cours et tribunaux. C’est 3 fois le budget consacré à la famille et à la promotion de la femme (0.8 milliards de FRW).
En outre, grâce au sentiment de peur chez les populations, le pays regorge d’informateurs bénévoles : Hutu, par opportunisme calculé afin d’échapper momentanément aux représailles dont ils sont les principales cibles ; Tutsi, par solidarité ethnique ou par devoir moral vis-à-vis de leur « libérateur ».
Aujourd’hui au « pays des milles collines » la peur paralyse la volonté des citoyens, terrorisés devant la puissance funeste de l’armée et des escadrons de la mort de la police secrète du régime (DMI), agissant au grand jour ou en coulisses, toujours prêts à assassiner toute personne suspecte (personnalité politique ou autre) barrant la route aux projets de domination politique, sociale, idéologique, économique, de pillage des biens de l’Etat et d'autres instruments de l'intérêt général du peuple rwandais par le général Kagame et son Akazu.
Parallèlement, Kagame et ses sbires multiplient et rivalisent d’inventivité dans des actions de terrorisme psychologique pour s’assurer la soumission de la population. Vis-à-vis des Hutu, le régime cache mal sa volonté délibérée d’anéantir, sinon physiquement mais à tout le moins moralement, cette composante importante de la population rwandaise, considérée comme du gibier ou du bétail en surnombre. Ainsi, dans la foulée des massacres massifs et de l’emprisonnement arbitraire de Hutu (qu’ils soient coupables ou innocents), les familles Hutu ont été interdites de pleurer et d’inhumer dans la dignité les leurs exterminés par la soldatesque du FPR depuis octobre 1990. A la date anniversaire du génocide, en avril, au lieu de faire des journées de commémoration une occasion pour renforcer la fraternité entre les Rwandais, dans le but d’éviter de vivre à nouveau des événements tragiques, ces journées de souvenir servent plutôt à cultiver l’intolérance et le fanatisme contre les Hutu. Si la réconciliation était réellement un des objectifs majeurs du régime, personne ne serait contesté le droit de mémoire. Celui-ci engloberait tous les Rwandais et il ne pourrait être question de ségrégation entre les uns et les autres.
Dans l’article « Les commémorations du génocide au Rwanda », in Les Temps modernes, mars-avril-mai 2001, Claudine Vidal note à juste titre que: « Les commémorations du génocide, depuis 1996, non seulement excluent du deuil national les victimes hutu des “génocides”, mais refusent explicitement le statut de victime aux très nombreux autres Hutu qui, sans avoir été des bourreaux, furent massacrés à titre de représailles et pour instaurer un climat de terreur […]. Comment parler de réconciliation si l’exposition des squelettes consiste à rappeler à certains que les autres ont tué les leurs? C’est maintenir les uns dans une position de culpabilité éternelle, ce n’est pas seulement raviver la haine chez les autres, c’est ne pas permettre à leurs plaies de se cicatriser. La haine grandissante d’un côté, de l’autre la peur permanente.»
Le terrorisme psychologique envers les Hutu est aussi l’objectif des séances hebdomadaires d’hystérie collective et de délation érigées en principe de vie baptisées GACACA (appelés à juger tout mâle hutu qui était adulte en 1994 d’où le chiffre de 800.000 Hutu déjà sur la liste ). Cette parodie de justice renforce la panoplie de labels (suffisamment flous pour prêter à toutes les interprétations) destinés à empêcher les Hutu d’oser lever la tête pour réclamer justice, du genre « forces négatives, divisionniste, révisionniste, négationniste, Parmehutu, idéologie génocidaire » globalement proférés à l’encontre des Hutu, par un régime qui confond à bon escient « idéologie génocidaire » avec divergence d'opinions à propos des politiques gouvernementales ou avec opposition au régime. Face aux départs massifs et réguliers de Hutu qui fuient encore le pays, le régime essaie de se justifier en leur jetant l’anathème : ce sont des criminels, des génocidaires ou leurs complices qui fuient la justice traditionnelle GACACA.
S’agissant des Tutsi, le régime ne tolère aucune « trahison ». Kagame considère en effet que c’est dans l’ordre naturel des choses que les Tutsi soient automatiquement tous derrière lui et lui totalement soient dévoués. Et cela pour au moins deux raisons : parce qu’il les a sauvés,dit-il, et que tout ce qu’il fait est supposé être fait dans leur intérêt ! Néanmoins, le seul fait d’être Tutsi ne suffit pas ; il faut aussi faire preuve d’une loyauté sans limite et d’une reconnaissance sans faille. La défense et l’illustration du régime doit être un devoir à la fois moral et civique pour tout Tutsi. Nombre de Tutsi refusant d’être des instruments de cet ethno-fascisme et ayant choisi de dénoncer les agissements criminels et anti-démocratiques du régime l’ont appris à leurs dépens : assassinats, emprisonnement, exil volontaire ou provoqué, perte d’emploi, harcèlement, etc. Pour les extrémistes qui tiennent les rennes du pouvoir à Kigali, ces Tutsi portés vers la démocratie sont des traîtres ou alors des ingrats, des perdus, des corrompus ou des fous qui doivent être logés à la même enseigne que l’ennemi principal : le Hutu.
Il arrive aussi que Kagame massacre des Tutsi et en attribue la responsabilité aux extrémistes Hutu pour, d’une part, raviver la flamme de la haine chez les Tutsi et continuer ainsi à s’assurer leur soutien, et pour, d’autre part, pouvoir maintenir les Hutu dans la peur par les représailles qui s’en suivent. Ce scénario a fonctionné à plein régime au moment de la guerre dite des infiltrés (1997-1998), avec notamment les massacres de Mahoko, etc.
Le but de cette terreur permanente est d’empêcher les Rwandais de réfléchir et de se poser des questions sur leur condition et sur la manière dont ils sont dirigés, de leur faire perdre la puissance de raisonnement -celle qui engendre l'opposition et l’action- afin de décourager toute initiative pouvant gêner les projets du Parrain et de son Akazu. En perdant leurs capacités d’analyse et de sens critique, les Rwandais deviennent de plus en plus facilement manipulables et perdent en même temps leur capacité de réaction ; ce qui rend toute rébellion, toute révolte, plus improbable.
Voilà comment de nos jours les Rwandais, Hutu et Tutsi, sont arrivés à comprendre que le meilleur parti à prendre est de n'avoir aucune opinion en matière politique, qui doit être exclusivement réservée à ceux qui dirigent les affaires : Kagame, son Akazu et leurs hérauts.
Kagame ne se contente pas d’exercer la terreur dans les limites des frontières nationales. C’est aussi un instigateur de sédition, de dissensions et d’hostilités dans l’ensemble des pays de la région des Grands Lacs grâce à la puissance de son armée qui ne saurait être bravée sans conséquence pour quiconque s’oppose à lui. Sans considérer les motivations géo-stratégiques des grandes puissances qui le protègent, Kagame poursuit un double but :
- idéologique d’abord : étendre à l’échelle régionale, en faveur des Tutsi et/ou assimilés, le concept d’espace vital et d’hygiène sociale que l’hitlérisme a poussée à son stade extrême avec les conséquences que l’on sait.
- politico-économique ensuite : commander le respect de tous ses voisins en leur prouvant qu’il a le pouvoir de créer chez eux des soulèvements à volonté ou de restaurer l'ordre. La menace constante, exercée sur ses voisins, de faire et de défaire leurs régimes lui permet d’exercer un leadership régional incontesté (au détriment de son ancien parrain ougandais), mais aussi de tirer bénéfice des ressources de ses voisins plus nantis que lui, par des moyens illégaux ou par des conventions commerciales et des obligations financières pour services rendus.
Cette politique de la terreur, qui lui réussit jusqu’ici (pour combien de temps encore ?), lui assure dans tous les cas une garantie de protection contre toute tentative de déstabilisation de la part de ses nombreux opposants à partir de l’extérieur. La RDC en est la parfaite illustration : fin 1996, Kagame, alors vice-président de la République et ministre de la défense, appuie militairement Kabila-père pour chasser Mobutu, sans l’accord préalable des institutions compétentes. En 1998, Kabila-père manifeste la volonté de s’émanciper de ses anciens alliés devenus trop envahissants aux yeux des Congolais. Afin de démontrer que le gouvernement congolais n’a d’autre choix que celui de lui rester asservi et que quiconque ose se mettre en travers de sa route s’expose à de graves conséquences, Kagame n’hésita pas à lui manifester son pouvoir par une déclaration de guerre qui faillit déclencher une «guerre mondiale».
Cela fait 10 ans que le quotidien des Congolais n’est fait que de crimes et de violences et que l’Est de la RDC ne vit que sous le règne de la terreur de l’armée d’occupation rwandaise et/ou de ses supplétifs, mais aussi de groupes armés non identifiés ou identifiés parmi lesquels le FDLR. On dénombre plus de 3,5 millions de Congolais victimes de cette politique. Entre-temps, la machine à piller les ressources de la RDC tourne à plein régime pour alimenter les comptes en banques des membres de Kagame et de l’Akazu en occident et dans les pays arabes depuis que Kagame et ses proches sont dans le collimateur de la justice internationale.
Aucun pays limitrophe n’est épargné : après la RDC, après les clashs meurtriers entre l’armée rwandaise et l’armée ougandaise en RDC ainsi que les tensions régulières entre les deux pays, c’est le tour du Burundi d’être malmené par l’armée de Kagame qui a décidé unilatéralement de modifier les frontières et de s’approprier la localité de Mwumba, depuis le 03 janvier 2006 !
3- LA MANIPULATION ET L’ACHAT DES CONSCIENCES COMME REGLES DU SYSTEME.
3.1. La manipulation.
Si la violence est le principe de base du système Kagame, la manipulation, le mensonge, l'hypocrisie et la corruption, en sont les règles. Kagame et son Akazu ne connaissent pas de limites pour recourir à beaucoup de ruse et d'artifice en ce domaine.
3.1.1. L’appel à l’émotionnel.
Pour court-circuiter toute analyse rationnelle sur le rôle du FPR dans ce qui se passe au Rwanda depuis 1990, Kagame et son régime font appel à l’émotionnel en brandissant, à la moindre critique, la carte du génocide des Tutsi et la détermination farouche des extrémistes hutu à récidiver. Ainsi, chercher à comprendre le mécanisme qui a mené au génocide, épingler la responsabilité du FPR et dénoncer ses crimes de sang équivaut pour eux à être contre les Tutsi et à nier le génocide ! Quiconque émet des critiques ou s’oppose et dit combattre ce régime, autoproclamé gardien de la mémoire du génocide et protecteur des Tutsi en général et des rescapés en particulier, est taxé de révisionniste, de génocidaire, de divisionniste, tout juste bon pour la potence.
En plus de permettre au régime de Kagame de transformer le génocide des Tutsi en fonds de commerce inépuisable (pour obtenir aide et compassion), le stratagème de l’appel à l’émotionnel lui permet aussi, à des fins de moralité douteuse et trompeuse, d’utiliser le génocide en guise de licence pour perpétuer des actes de cruauté considérables et immoraux au nom du châtiment qui doit être infligé aux génocidaires désignés.
De ce point de vue, les cibles privilégiées restent la communauté Tutsi sur laquelle il exerce un chantage sécuritaire et la communauté internationale engluée dans sa coupable passivité de 1994. L’objectif est d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements.
3.1.1.1. Vis-à-vis des Tutsi.
Sans devoir remonter loin dans l’histoire socio-politique du pays pour ne considérer que l’épisode fondateur sur lequel le régime actuel s’appuie et tire son origine, à savoir « la révolution sociale de 1959 » qui avait mis fin à l’ordre ancien (qui reposait sur la domination politique, sociale et économique du Tutsi), l’ordre actuel (qui n’est ni plus ni moins que la contre-révolution et le retour à l’ordre d’avant 1959) fait naturellement des Tutsi la base politique du FPR. Pour les fidéliser, la stratégie de l’Akazu est fort simple : elle consiste à jouer sur les injustices et les massacres du passé (période de novembre 1959 à juillet 1994), sur le génocide dont ils ont été victimes en 1994 et sur les peurs, notamment la menace que constituerait un éventuel retour des Hutu aux commandes en cas de relâchement. L’objectif est de présenter et de faire apparaître le FPR vis-à-vis des Tutsi comme leur libérateur, comme leur unique représentant et défenseur légitime, comme leur unique protecteur, avec Kagame comme rempart. A cet égard, toute occasion est bonne pour magnifier le rôle du FPR/APR dans l’entreprise de libération du Rwanda depuis 1990, pour louanger l’APR d’avoir « arrêté le génocide » (comme si le génocide n’a pas été consommé!) et pour réaffirmer aux Tutsi « l’intsinzi » (la victoire) ad vitam aeternam contre les soi-disant génocidaires Hutu prêts à se remettre au « travail ».Dans un contexte émotionnel intense, le retour répété à ce "vécu" commun cimente le groupe et l'annonce récurrent de dangers imminents induit un climat de peur qui permet d'assurer une emprise sur les Tutsi et de renforcer leur sentiment d'appartenance.
Quand certains Tutsi dénoncent la co-responsabilité du FPR dans le processus qui a mené au génocide, notamment par le choix délibéré d’une victoire militaire totale au détriment du compromis des Accords d’Arusha et par l’assassinat du président Habyarimana qui a été le détonateur du génocide, Kagame et son Akazu ainsi que les extrémistes tutsi et leurs suppôts se réfugient dans la dénégation et refusent d’entrer dans un débat qui, selon eux, renforce les génocidaires ou alors ils accusent ces Tutsi d’avoir survécu au prix d’une complicité avec les Interahamwe (i.e les Hutu).
Ce n’est que dans des moments « d’égarement » de leurs porte-parole que la vérité éclate au grand jour. Qui n’a pas été en effet choqué par le cynisme de la réponse des gardiens du temple du FPR, en mal d’explications devant des faits abondants, précis et accablants à l’encontre des prétendus libérateurs : « on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs » ou « le FPR n’est pas la Croix-Rouge » ? N’est-ce pas, en d’autres termes, reconnaître que, pour eux, seul le résultat final compte, le plus important étant la victoire et ce que cette victoire allait apporter aux Tutsi ? N’est-ce pas vouloir insinuer (dans le but d’essayer d’atténuer la responsabilité du FPR/APR) que les centaines de milliers de victimes Tutsi ont en quelque sorte sauvé l’ensemble de la communauté tutsi de la destruction totale car la victoire acquise au terme de la « libération » organisée et menée par le FPR a donné aux survivants tutsi, plus nombreux, une situation telle qu'ils ne l'eurent jamais rêvée ?
En somme, les thuriféraires du régime cherchent à amener les Tutsi à accepter que le génocide a été pour les eux le prix à payer pour obtenir la prospérité future ! Dès lors, tout Tutsi est-il appelé à prendre conscience que s’il est en sécurité aujourd’hui, s’il a recouvré la dignité et s’il est en position de domination politique, militaire, sociale, économique, même au moyen de nombreux sacrifices, c’est grâce au FPR. Soutenir le régime du FPR est donc, pour les Tutsi, une obligation car c’est une condition de survie collective et individuelle pour les membres de cette communauté .
3.1.1.2. Vis-à-vis de la communauté internationale.
Kagame et son Akazu savent pertinemment qu’ils doivent leur prise du pouvoir au génocide de 1994 et à l’indifférence, à la complicité ou à la passivité calculée de la communauté internationale. Sans le génocide et sans cette passivité, le FPR n’aurait pas pu conquérir le pouvoir ni par les armes ni par les urnes.
Cela n’empêche pourtant pas Kagame, avec un cynisme sans égal, de jeter cette passivité à la figure de la communauté internationale, pour la faire taire, à chaque fois que son régime est mis en cause sur certains aspects de sa politique intérieure ou de sa politique régionale. La faillite de la communauté internationale en avril 1994 est, pour ainsi dire, le meilleur bouclier du régime car la survie politique de Kagame et de son régime repose en partie sur la mauvaise conscience de la communauté internationale qui culpabilise pour n’être pas intervenue en 1994. Tirant sa légitimité du génocide, l'actuel régime ne s'estime de ce fait tenu par le respect ni des valeurs démocratiques ni des droits de l'homme ; et la communauté internationale ne semble pas s’en émouvoir, comme si elle avait trouvé là le moyen de se racheter. Marc Le Pape note à juste titre, dans la revue Esprit 266-267, d’août-septembre 2000, que « le gouvernement rwandais bénéficie auprès d’États, d’ONG et de médias occidentaux d’une sorte de privilège d’impunité. En effet, la bataille politique menée pour la reconnaissance du génocide des Rwandais tutsis n’a pas eu pour seule finalité l’établissement de la vérité, la mise en oeuvre des mesures judiciaires entraînées par cette reconnaissance. Cette bataille a eu aussi pour enjeu de rendre l’actuel État rwandais intouchable, quoiqu’il fasse ou ne fasse pas : c’est le privilège de l’impunité, justifié par la dette morale de la communauté internationale. Le gouvernement rwandais invoque constamment la passivité coupable dont celle-ci a fait preuve, entre avril et juin 1994, face au génocide. Cette idée de culpabilité internationale ne cesse d’être exploitée à des fins politiques. Ian Martin qui fut, au Rwanda, chef de l’opération de terrain du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de lhomme, en donne un exemple : l’enquête effectuée par une équipe du HCR en septembre 1994 et qui faisait état d’atrocités systématiques commises contre la population hutue fut enterrée par le secrétaire général de l’ONU ; c’était un effet de la culpabilité de la communauté internationale, qui n’avait pu stopper le génocide. Alison Desforges, dans « Aucun témoin ne doit survivre » , donne des preuves de la gêne suscitée par cette enquête du HCR, elle fait le récit des démarches qu’effectuèrent les diplomaties américaines, rwandaises et onusiennes pour que le silence soit gardé sur les informations recueillies - ce qui ne fut pas absolument possible, grâce à des fuites vers les médias. On observera les effets de ce privilège d’impunité au moment des massacres commis pendant la guerre de 1996-1997 ». [Marc LE PAPE, L’exportation des massacres, du Rwanda au Congo-Zaïre]. Néanmoins, Kagame et son Akazu sont parfaitement conscients que la situation ne durera pas indéfiniment (les crimes contre l’humanité dont eux-mêmes et leur soldatesque se sont rendus coupables aussi bien au Rwanda, depuis octobre 1990, qu’en République Démocratique du Congo, depuis novembre 1996, et aujourd’hui largement documentés, finiront tôt ou tard par un retour de manivelle) et redoutent le moment où ces crimes ne seront plus un sujet tabou. C’est pourquoi, même si des fois il malmène cette même communauté internationale, Kagame la courtise sans cesse car il sait qu’il est toujours préférable de l’avoir de son côté ; pas seulement pour obtenir l’aide mais aussi pour des motifs d’ordre purement politique. Pour reculer les échéances, le régime a monté une stratégie globale vis-à-vis de la communauté internationale. Celle-ci consiste, d’une part, à manipuler et à contrôler les reportages réalisés par des journalistes nationaux et étrangers et à faire de la capitale Kigali une vitrine de la reconstruction du pays telle qu’elle est approuvée et emballée par le régime à l’adresse du monde extérieur (alors que sur les collines le menu peuple se meurt). D’autre part, le régime s’emploie chaque jour davantage à élargir les sphères d’influence, et particulièrement à infiltrer sa propagande dans le mode de vie des occidentaux afin de donner une image contrôlée et aseptisée du climat socio-politique au Rwanda. A cet effet, les ambassades et les consulats surveillent l’opinion publique et les activités de l’opposition dans les pays où ils se trouvent ; ils organisent conférences, expositions, utilisent articles spéciaux et autres supports du travail de propagande afin de gagner à sa cause l’opinion et les officiels de ces pays. Des groupes folkloriques, des délégations du FPR, des membres des associations dites de la société civile, mais en réalité inféodées au régime, sillonnent le monde pour l’intoxiquer.
Ces actions de propagande du régime à l’extérieur sont également relayées et entretenues à un très haut niveau d’incandescence par une partie de la diaspora tutsi où l’on trouve les acteurs les plus véhéments de l’extrémisme tutsi qui concourent à la diffusion et à l’exaltation permanente des prétendues vertus du régime, sous le mode victimaire et héroïque.
Le régime utilise aussi des étrangers pour mener sa propagande et la rendre encore plus efficace. Le pouvoir de Kagame investit énormément dans des réseaux soi-disant progressistes, panafricanistes, « droit-de-l’hommistes », mais aussi dans des agences de communication et de relations publiques : arrangement de voyages et prise en charge de billets d’avion et de séjour au Rwanda pour des journalistes, des personnalités du monde politique, des chercheurs, des universitaires et autres spécialistes étrangers sélectionnés à la loupe pour écrire des livres et des articles favorables au régime. Il n’est pas rare non plus que le régime fasse promptement l’éloge des travaux et articles écrits par des personnalités, des universitaires, des journalistes étrangers qui épousent sa ligne victimaire. Il n’hésite pas non plus à mettre la main à la poche pour des campagnes de promotion d’image : 350. 000 euros à l’hebdomadaire « Jeune Afrique L’Intelligent » en 2003 ; 300.000 dollars annuels pour une société américaine de relations publiques. Ainsi, aux yeux de l’étranger habitué à ne regarder que le côté brillant des affaires, telles qu’elles lui sont présentées, le régime de Kagame paraît honnête et conciliant et même comme des sauveurs de l'humanité !
La propagande est si bien menée que le régime jouit encore d’un crédit très favorable dans la presse internationale et dans les milieux politiques occidentaux notamment. Grâce à un lobby très puissant et efficace et grâce à l’idéologie de la victimisation, l’opinion s’est laissée convaincre que seuls les Tutsi ont été victimes de la tragédie rwandaise et que le FPR n’a de près ou de loin aucune responsabilité dans ce qui s’est passé et dans ce qui se passe encore. Tout est l’oeuvre du Hutu, génocidaire né, le Tutsi ne faisant que se défendre pour ne pas disparaître !
3.1.2. Le contrôle des esprits.
Pour empêcher les Rwandais de penser et les hommes de valeur de percer, mais également pour gérer et tenir la population sous le joug de la pensée unique des idéologues de l’Akazu, des stratagèmes de contrôle de l’esprit ont-ils été imaginés. On assiste depuis 12 ans à la mise en place d’un puissant outillage d’embrigadement de la conscience collective des Rwandais et de contrôle de la pensée.
3.1.2.1. L’Ingando
L’objectif de ce stratagème est de façonner la façon de penser des Rwandais pour la mettre en conformité avec l'idéologie du FPR, en effaçant de leur mémoire le passé qui pourrait être défavorable au régime et à son système, ne laissant subsister que les faits où s'affirment indubitablement les erreurs des régimes dits hutu.
L’Ingando, dit « camp de solidarité » par euphémisme, est par excellence le lieu de matraquage idéologique sur fond de réécriture de l’histoire du Rwanda. Les idéologues de l’Akazu y pratiquent la désinformation et le lavage de cerveau pour asseoir le régime en faisant accepter sa propre vérité historique, la truquant souvent, afin de se blanchir ou de se glorifier eux-mêmes ou encore de victimiser la communauté Tutsi, conformément à la version officielle selon laquelle tout a très mal marché depuis 1959 et qu’il appartient au FPR, en tant que libérateur et rédempteur de la nation rwandaise, de détruire la cause de ses souffrances, à savoir : les ethnies, la pauvreté, l’ignorance, la dictature…
L’Ingando vise aussi à remplacer la révolte, dont on est en droit d’attendre des Hutu, par leur culpabilité. On leur fait croire que quoi qu’il leur arrive c’est toujours par leur faute, mais jamais par celle du régime (ils sont les seuls responsables des malheurs du pays et du malheur qui les frappe aujourd’hui) à cause non seulement de l’idéologie génocidaire qu’ils ont héritée de leurs parents et des deux républiques dites hutu, mais aussi à cause de leur méconnaissance de la « vraie » histoire du pays et de leur prétendue incapacité à s’adapter au nouvel ordre. Ainsi, au lieu de se révolter contre ce pouvoir et ce système qui les humilient, les terrorisent, les emprisonnent, les massacrent, les dépossèdent, etc., les Hutu s’auto-dévaluent et culpabilisent ; ce qui engendre chez eux soit un état dépressif soit un état de peur dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution !
3.1.2.2. Des contacts permanents avec les masses.
Pour faire l’éducation politique du peuple dans le sens qui convient, tout est mis au service de l’Akazu et de son chef, notamment pour souligner le caractère visionnaire de cet homme providentiel qu’est Kagame, l’importance de son activité, de son leadership et les bonnes intentions de ses entreprises. C’est ainsi que les canaux par lesquels la pensée humaine trouve son _expression sont entre les mains des cercles proches du pouvoir, qui les utilisent comme organe éducateur qui empêche le public d'être dérouté par « les ennemis du Rwanda ».
Seul Kagame est en contact permanent avec les masses, sinon personnellement dans des réunions publiques, à la radio et à la télévision, du moins par l'intermédiaire de ses fidèles représentants. C’est une des principales raisons de l’interdiction qui frappe les partis politiques d’exercer leurs activités à des échelons où ils pourraient être en contact avec la population. Il s’agit d’empêcher le peuple de se libérer de son étreinte de l’Akazu. Dans le journal Umuco n°18 du 17 au 30 septembre 2005, dont la police nationale a interdit la vente, il y avait un article intitulé « Le FPR collecte les cotisations comme le MRND » où l’on peut lire : « En principe, la loi régissant les partis politique au Rwanda n'autorise pas ceux-ci de travailler en toute liberté, rencontrer les militants au niveau des districts, des secteurs, et des cellules. Ce que fait pourtant le FPR qui opère dans tous les secteurs de l'administration, du haut niveau à la base. Ses représentants organisent des réunions jusqu'à la cellule...Nous avons voulu en savoir davantage et avons constaté que tous les dirigeants des districts et villes sont du FPR, de même que les coordinateurs de secteurs et les chefs de cellules, mais ces derniers ne peuvent pas parler au nom du parti. Et c'est justement cela qui fait dire à certains que le FPR phagocyte d'autres partis, car, lui il a toute la latitude de travailler alors que d'autres ont des limites que leur impose la loi…Et c'est cette liberté qui lui permet de faire du commerce grâce à ses agents qui octroient des marchés à des sociétés dans lesquelles il ( le FPR) est actionnaire majoritaire…» L'auteur de l'article conclut en disant que les autres formations politiques n'existent que de nom car elles maquent de tout : ossature politique, idéologique et financière. « Il va donc sans dire que si les autres partis ne peuvent pas opérer librement, si leurs militants n'ont pas accès aux marchés publics, s'il ne leur est pas permis de percevoir des aides étrangères, alors ils existeront toujours de nom. Étant donné qu'ils sont tous pauvres, leurs militants les quittent et passent en masse au FPR qui a le pouvoir et la parole, mais ils restent tout de même cachés au PSD, au PL et au PDC…Cela veut dire aussi que ces partis n'ont aucune influence, ce sont des bénis oui oui du FPR ! En fait, le Forum des partis n'est qu'une plate-forme qui permet au FPR de donner des ordres aux autres partis…Ici au pays, si les décideurs ne veulent pas permettre à tous les acteurs politiques d'avoir le droit à la parole, si la justice reste sous l'aile du parti au pouvoir, si la corruption et les injustices demeurent, si les gens continuent à être privés de parole, c'est sûr que l'on fera face à de grands problèmes dans l'avenir ! »
3.1.2.3. Le contrôle de l'enseignement.
En vue de détruire tout ce qui peut mettre en péril les intérêts du régime, celui-ci contrôle également tout ce qui est enseigné dans les écoles. L’école et les universités ont été transformées en instruments de diffusion de la pensée dominatrice du régime. Le débat contradictoire sur des questions politiques est pour ainsi dire interdit pour, dit-on, ne pas troubler le cerveau de la jeunesse et donner le lit au divisionnisme. Les soi-disant conférences ou réunions libres organisées ici ou là dans les universités, sont des occasions pour exposer les dogmes idéologiques du régime. La doctrine du FPR y est présentée comme étant la «Vérité absolue » dont on ne doit jamais dévier et que l’on ne doit jamais remettre en question. Cette vérité est souvent présentée dans le cadre d’une confrontation morale, où le Tutsi incarne les « forces vives du Bien » dépassées en nombre par les «forces vives du Mal » incarnées par le Hutu. Les faits historiques n’allant pas dans le sens d’un prétendu « Age d’or » et de l’harmonie supposée entre les Hutu, les Tutsi et les Twa avant que les Hutu, aidés par la puissance tutélaire (la Belgique), ne cassent cette harmonie avec la révolution de 1959 et ne précipitent le Rwanda dans des génocides cycliques (1959,1963,1973,1994), sont niés ou déformés au profit de la propagande pour légitimer le régime et pour élever la personne de Kagame au rang de héros suprême en tant que rédempteur de la nation.
Cela est d’autant plus facile que l’Université Nationale (responsables et tout le staff académique et technique) dépend entièrement du gouvernement et que les universités privées appartiennent à la nomenclatura du FPR et sont dirigées par des hommes ou des femmes choisis parmi les initiés pour leur loyauté, leur dévouement et leurs capacités à défendre le système. Le recrutement des professeurs se fait avec soin sur le même schéma. Les rares établissements qui échappent à la règle et les rares professeurs idéologiquement non stéréotypés savent d’expérience que les écarts ne peuvent pas rester sans châtiment.
3.1.2.4. La domestication de la société civile.
Pour éviter que la société civile, en tant qu’intermédiaire entre les citoyens et les institutions politiques et administratives de l’Etat d’une part et les bailleurs de fonds d’autre part, puisse constituer un contre-pouvoir par rapport aux politiques et se transformer en agent du changement, le régime a monté un cadre juridique qui la prive de toute indépendance grâce à une loi instituant un contrôle stricte de l'activité des organisations non gouvernementales ainsi qu’une surveillance étroite de leur financement. Certaines étant soupçonnées d'être contre le régime et d’être soutenues et financées avec des fonds des « ennemis » du pays (voir le rapport de la commission parlementaire d’enquête sur l’idéologie génocidaire, 2004).
Cette législation inique et unique au monde soumet également l’agrément des comités de direction des associations de la société civile à l’approbation du gouvernement. Cela permet au système de placer des gens qui lui sont dévoués, à tous les échelons des structures des associations, quelle que soit leur taille. Par ce procédé, les représentants du pouvoir minent la société civile et brisent toute velléité d’indépendance et de contestation car aucune décision ne peut être prise sans l'accord des agents du régime, placés par lui pour la guider.
Mettre la société civile sous le harnais, en soumettant ses activités au contrôle et à l’approbation du gouvernement, est une manière pour le régime d’interdire, sans se mouiller, aux citoyens ordinaires de se mêler de politique (au sens large) ; mais aussi de manipuler l’opinion en lançant à travers cette soi-disant société civile (de façade) des pétitions concernant l'amélioration de la vie sociale et nationale auxquelles il répond favorablement ou négativement en fonction du but à atteindre. La société civile rwandaise s’y prête volontiers d’autant plus qu'elle sait que ses gains et autres bénéfices pourraient lui être retirés.
3.1.2.5. Le rôle de la presse.
Les Rwandais, comme les peuples du monde entier, ont tendance à prendre les mots pour des actes. Satisfaits de ce qu'ils entendent, ils remarquent rarement si les promesses ont vraiment été tenues. C'est pourquoi, pour s’assurer tous les moyens dont ses «ennemis intérieurs» pourraient se servir contre eux, Kagame et son Akazu, en plus de contrôler toutes les institutions de l’Etat et la société civile où leurs pions tiennent le haut du pavée, contrôlent aussi la presse gouvernementale et privée dans le seul but de corrompre l’opinion et de glorifier Kagame et son action.
Ils exercent sur la presse officielle et privée un contrôle tel qu'elle n'entrevoie les affaires du monde qu'à travers des lunettes colorées qu’ils lui ont mises devant les yeux. Ils contrôlent la maison de la presse, les différentes associations de journalistes ainsi que la Commission nationale de la Presse. Toutes ces instances de la profession organisent des réunions, des rencontres, des formations où ceux qui donnent le tempo sont des agents de la police secrète du régime. S’il arrive qu’ils donnent l’air de contredire une directive officielle ce n’est toujours que superficiellement ou pour lancer un ballon d’essai pour permettre aux stratèges de l’Akazu d’ajuster leurs plans. Les journalistes qui essaient de se soustraire de l’étau de l’Akazu sont tout simplement tués ou emprisonnés et torturés. D’autres finissent par casser la plume et prendre le chemin de l’exil.
Autrement, aucune information ne peut être diffusée sans passer par les filtres censitaires du régime. Cela est d’autant plus facile que les agences qui reçoivent les nouvelles de toutes les parties du monde appartiennent au gouvernement ou sont entièrement aux mains des plus fidèles agents qui ne publient que les nouvelles qui ne nuisent pas au régime (rétention délibérée de l’information) ou les publient après les avoir déformées afin de les rendre acceptables (déformation de l’information).
Par ailleurs, des comités de censure sont très actifs au niveau des imprimeries. L’imprimeur qui ne se conformerait pas aux directives sait non seulement que sa licence lui serait retirée mais aussi qu’il s’expose à un châtiment exemplaire. De la sorte le régime connaît d’avance tout ce qui se prépare, ce qui lui permet de prévenir et de neutraliser toute influence « néfaste ». Le prétexte souvent évoqué pour interdire une publication est que la publication qui vient d'être supprimée excitait l'opinion publique pour des raisons liées à l’idéologie génocidaire rampante et au divisionnisme.
Face aux nouvelles technologies qui permettent l’accès aux sources extérieures d’information, le régime se réfugie dans le mensonge absolu pour essayer de décrédibiliser ces sources en les présentant comme agissant pour les ennemis du Rwanda et inonde l’opinion d’une propagande intensive et d’informations présentées comme seules crédibles.
De telles mesures, qui échappent à l'attention publique, sont les plus sûrs moyens de guider l'esprit du peuple et d'inspirer confiance au régime. Grâce à ces mesures, Kagame peut exciter ou calmer l'esprit public sur les questions politiques, lorsque cela devient nécessaire ; il peut aussi le persuader ou le dérouter en faisant circuler de vraies ou de fausses nouvelles, des événements exacts ou contradictoires, suivant la convenance de ses desseins. Il le fait d’autant plus facilement que les restrictions imposées frappent en premier lieu l’opposition qui ne peut avoir aucun organe de presse à sa disposition au moyen duquel elle pourrait donner libre cours à ses opinions.
Certains se font abuser par certaines publications agressives qui se donnent l'air de faire opposition. Celles-ci sont créées par Kagame et son Akazu dans ce dessein. On remarquera que ces publications ne s’attaquent jamais à Kagame (elles lui prodiguent des conseils, disent-elles) et n'attaquent le régime que sur les points où ce dernier se propose d’opérer un changement. Cette presse sert à faire croire à l’opinion internationale que la liberté de la parole est respectée dans ce pays.
3.2. L’achat des consciences.
3.2.1. L’art de flatter les faiblesses et les passions.
Dans le contexte du Rwanda où Kagame dispose du droit de vie et de mort sur tous ses sujets, il n’a pas besoin de dépenser un seul centime de sa poche pour obtenir quoi que ce soit d’un Rwandais vivant au Rwanda. C’est plutôt l’inverse : pour avoir la paix les Rwandais lui font des « cadeaux » soit à lui et à son Akazu à travers des « fund raising » pour de faux projets, des commissions exorbitantes sur les marchés publics, des cotisations diverses et régulières dont on ignore les objectifs et la destination, des cessions de parts sociales dans des sociétés, des « rackets » de diverses natures et sous diverses formes.
Il arrive néanmoins que, alternativement à la violence et à la terreur pour arriver à ses fins vis-à-vis de certaines catégories de Rwandais dont la collaboration lui est stratégiquement profitable, Kagame utilise aussi un système autrement plus efficace et politiquement plus payant, à savoir flatter les faiblesses et les passions de l’esprit humain en offrant à ses cibles un statut social, une revanche sur leurs griefs réels ou imaginaires.
Profitant de la pauvreté des gens mais aussi de la dégénérescence de la force morale de l’élite rwandaise chez qui l’intérêt personnel en est arrivé à dominer l’intérêt général, Kagame n’a pas du mal à obtenir ce qu’il veut de qui il veut. En effet : « Dans ce pays sans ressources et où plus de 70% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, le désir de s’enrichir a pris des proportions inquiétantes au sein de l’élite. Si bien que l’ambition et l’amour des honneurs a pris le pas sur l’amour du pays et la partie raisonnable a cédé à la partie passionnée. La cupidité s’est greffée sur la soif des honneurs, l’argent est devenu le roi aux pieds duquel le Rwandais prosterne raison et courage. L’argent a acquis un pouvoir quasiment illimité car il permet de se procurer l’honneur, les marques de dignité et de respectabilité, la reconnaissance publique etc. faisant taire tous les scrupules. […] le mérite et les valeurs morales ont petit à petit cessé d’être des repères et l’élite s’est laissée entraîner dans une philosophie cynique qui consiste à considérer la politique comme une lutte pour le partage des avantages et privilèges que confère l’exercice du pouvoir. Dès lors que ceux qui détiennent le pouvoir et leurs clientèles respectives sont obnubilés par l’enrichissement personnel et préoccupés par leurs besoins, ceux de leurs familles, de leur cercle d’amis et de courtisans (choisis en fonction de leur région, de leur ethnie), les citoyens ont été réduits par la force des choses à s’adapter avec pragmatisme à la dictature.
Dans cet univers […] de cupidité, le clientélisme contribue à conforter les stratégies patrimoniales de l’élite qui trouve dans les pratiques clientélistes un terrain beaucoup plus favorable à la réalisation des gains individuels immédiats qu’il ne pourrait en retirer d’une institutionnalisation grandissante de l’Etat. Cette logique incite les élites à chercher d’abord à protéger et à reproduire leur position de pouvoir, face à tout ce qui pourrait les menacer. Les hommes forts successifs exploitent cette étroitesse de préoccupations des élites en jouant sur leur cupidité et en corrompant leur jugement par l’argent, le crédit, une haute fonction administrative, etc. C’est ainsi que la plupart des membres de l’élite nationale ont renoncé à leur identité personnelle et que sur des questions essentielles d’intérêt général, ils préfèrent être dirigés par les autres et s’accommodent aux circonstances générales, quelles qu’elles soient, qui leur sont imposées par l’autorité politique. Les ministres et autres hauts fonctionnaires acquièrent leurs postes et s’y maintiennent grâce à leur servilité et à leur fidélité au système plus que par leurs compétences.
Certains, parmi l’élite politique et administrative, avancent la répression politique pour justifier leur conformisme stratégique qui consiste à ajuster leurs idées et leur comportement à l’opinion de l’homme fort. Réalisme, disent-ils. Irresponsabilité, devrait-on leur répondre. Au lieu de chercher, comme les élites occidentales, des gains nouveaux et des positions de pouvoir dans une stricte professionnalisation administrative ou politique, nos élites orientent leurs actions vers la réévaluation incessante des ressources politiques et leur utilisation en vue d’acquérir des avantages nouveaux au sein de la société, et en particulier dans l’espace économique. C’est en tous cas ainsi que la « médiocratie » s’est installée, que la corruption continue à faire des ravages et que les dictateurs sanguinaires ne sont point inquiétés.» (Eugène NDAHAYO, Débâillonner le Rwanda -Pour un nouveau Pacte Social- L’Harmattan, 2003).
3.2.2. Le stratagème du « Hutu de service ».
En juillet 1994, le FPR se trouve, malgré sa victoire militaire sur le gouvernement génocidaire, confronté à deux problèmes : il est d’une part préoccupé de sauvegarder l’image d’un mouvement ouvert et non sectaire devant une opinion internationale séduite par les intentions démocratiques du FPR et acquise à son discours progressiste. Il ne serait pas donc pas politiquement correct pour lui de remplir les postes de gouvernement et au sein d’autres institutions par les seuls membres du FPR à 99% Tutsi. Pour rassurer la communauté internationale et s’assurer aussi son soutien, il lui faut donc écarter de prime abord l’éventualité d’une domination politique du pays par une minorité ethnique et jouer (dans la forme) le jeu du pluralisme et du partage du pouvoir consacré par les Accords d’Arusha même si le FPR n’a jamais eu l’intention d’appliquer ces Accords, aussi bien avant qu’après le 06 avril 1994. Son objectif a toujours été de prendre le pouvoir par les armes et de l'exercer sans partage, malgré sa propagande mensongère qui a abusé plus d’un. Le rafistolage, contraire à l’esprit et à la lettre de ces Accords, auquel s’est livré le FPR dans son communiqué du 17 juillet 1994, auquel il a conféré une valeur juridique au-dessus de la loi fondamentale constituée par ces Accords et la constitution du 10 juin 1991, est sans équivoque.
D’autre part, le FPR a la responsabilité politique de remettre le pays sur les rails mais il n’a ni l’expertise requise ni l’expérience nécessaire pour la gestion d’un Etat. Les responsables du FPR sont encore si inexpérimentés et, un grand nombre parmi leurs membres qui sont rentrés spontanément de l’étranger est sans qualifications. Or, à l’époque, les chantiers sont immenses dans ce pays ravagé par la guerre et le génocide. Dès lors, devoir gérer un pays alors qu'ils doivent tout apprendre n’est pas facile.
Le FPR n’a pas non plus de base populaire confortable au pays. Sa base naturelle vient d’être exterminée. On se souviendra aussi que, à l’époque, les 3/4 de la population rwandaise (des Hutu en particulier) se sont réfugiés dans les pays voisins. Le FPR doit en outre se faire accepter dans un pays majoritairement Hutu et où les antagonismes ethniques viennent d’atteindre les sommets de l’horreur. Le FPR n’a donc d’autre choix que de s’assurer la collaboration des gens qui lui sont indispensables. Et il se trouve que ces gens sont quasi tous des Hutu, c’est-à-dire, dans son entendement, des ennemis à abattre au propre comme au figuré !
Pragmatiques, les stratèges de l’Akazu vont dans un premier temps confier des postes importants à des Hutu issus des anciennes Forces Démocratiques pour le Changement -FDC- (i.e l’opposition à l’ancien régime) ayant miraculeusement échappé à la machine à tuer aussi bien du MRND que du FPR. Néanmoins, le pouvoir parallèle prend bien soin de monter des mécanismes pour les surveiller étroitement et pour leur ôter toute parcelle d’autorité. Voilà pourquoi Kagame retarde délibérément son accession à la magistrature suprême au profit de Pasteur BIZIMUNGU, Hutu du FPR et que le gouvernement du 19 juillet 1994 reste dans la forme majoritairement Hutu en plus d’être dirigé par un Premier ministre Hutu issu d’un parti autre que le FPR, Faustin TWAGIRAMUNGU du MDR. C’est dans ce contexte que même certains anciens membres du MRND comme James GASANA, Faustin MUNYAZESA, Pierre Claver KANYARUSHOKI et d’autres seront assidûment courtisés par le FPR pour faire partie des nouvelles institutions, non pas en tant que représentants du MRND mais comme des personnalités intègres et compétentes.
Au fil des mois, quand certains Hutu membres des différentes institutions vont commencer à réaliser le rôle de faire valoir dans lequel ils sont confinés, l’Akazu fait vite d’oublier les critères de compétences et surtout de probité pour s’attacher les services de Hutu dont les antécédents et la réputation sont si mauvais qu'ils forment un abîme entre eux et ceux qu’ils sont censés représenter, et à des hommes tels qu'au cas où ils enfreindraient les ordres, ils pourraient s'attendre à être jugés et emprisonnés. Au sein de ce dernier groupe, des Hutu ayant du sang sur les mains ont particulièrement la préférence de Kagame. La raison n’est pas difficile à deviner : les obliger à défendre les intérêts de l’Akazu jusqu'à leur dernier souffle en échange de leur liberté!
Une autre catégorie de Hutu a la côte auprès du FPR : celle des faibles d’esprit et aux tendances serviles. Avec eux, le FPR se délecte en appuyant sur les cordes les plus sensibles de l'esprit humain en exploitant les faiblesses de ses cibles, leurs convoitises, leur insatiabilité et leurs besoins matériels. Il les propulse à des postes importants, peu importe qu’ils soient compétents ou qu’ils aient une expérience solide. L’essentiel est qu’il puisse les transformer facilement en pions sur son échiquier et qu’ils puissent servir dans le sens voulu par lui.
Même si le nombre élevé de « Hutu de service » à tous les échelons agace les extrémistes tutsi (pour qui, par effet de globalisation, les Hutu ont tous les mains sales), Kagame, qui tire un avantage certain de la situation, continue néanmoins à en ramasser à la pèle et à flatter leur vanité et les laisse chevaucher dans leurs rêves pourvu qu’ils lui servent et que ses plans réussissent.
Ce stratagème présente un double avantage :
a- Il permet d’altérer les facultés intellectuelles et le sens moral du celui qui s’y prête.
Tant qu’ils sont en poste, ces Hutu se construisent une fausse conscience et proclament à qui veut les entendre qu’ils ne sont soumis à aucune influence et s'efforcent toujours de feindre de ne rien voir, ni entendre, jusqu'à ce qu’ils tombent à leur tour en disgrâce. Aussi longtemps que Kagame continue à stimuler leur ego, ils se croient importants et très malins et deviennent encore plus aveugles à la manipulation dont ils sont l’objet.
Cela permet au Parrain de faire aisément ce qu’il veut de « ses Hutu » quand ils entrent en service. La plupart, à l’idée de perdre leur gagne-pain ou tout simplement de ne plus être applaudis, se réduisent eux-mêmes à un état de sujétion servile dans la perspective de durer ou d’être promus encore plus haut. Et comme les postes juteux sont limités et que les candidats sont très nombreux, Kagame maintient la pression grâce à de fréquents changements. Tout Hutu désirant conserver son poste doit, pour se l'assurer, obéir aveuglément. Cette menace de renouvellement permet en outre de détruire toute complicité qu'ils pourraient créer entre eux. Aussi tous travaillent-ils uniquement dans l'intérêt de Kagame dont leur sort dépend.
Aujourd’hui de nombreux Hutu, certains par instinct de survie, d’autres par calcul politique dans l'espoir de recevoir leur part des avantages que cette adhésion procure se bousculent pour être membres du FPR. Possédés par la vanité ou poussés par des émotions que donnent les honneurs et les applaudissements, ceux qui sont cooptés interprètent extraordinairement bien le rôle ridicule qu’on leur fait jouer (en se montrant souvent plus catholiques que le pape) qu’il est presque impossible de ne pas les plaindre. Ceux qui désirent se faire remarquer, quant à eux, courent les intermédiaires et s’époumonent à longueur de journée (interventions intempestives sur des fora Internet de discussion, participation à des conférences organisées par les suppôts du régime) à encenser le régime pour prouver qu’ils ont assimilé le catéchisme et qu’ils sont prêts à vendre leur âme au diable.
b- Il permet de diviser et d’anéantir l’opposition.
Par ce concept inauguré par Kanyarengwe, qui fut propulsé à la tête du FPR mais sans réel pouvoir après la mort de Fred Rwigema en 1990, Kagame a pu remporter une autre étape décisive dans sa victoire sur les Hutu, par la division. Ce subterfuge est aujourd’hui le principal argument des défenseurs du FPR contre ceux qui dénoncent le fondamentalisme ethnique du régime.
A l’intérieur, ce sont ces Hutu qui ont perdu le contact avec le réel par une séparation physique ou intellectuelle d'avec les leurs et les amis (condamnés à l’exil ou en prison), d’avec l'environnement naturel (de peur d’être accusés de divisionnisme), et déracinés spirituellement et géographiquement (par les multiples réformes administratives), que le système utilise pour accélérer l’acceptation aveugle du régime par d’autres Hutu.
A l’extérieur, le but est de tirer parti de l’existence de différentes factions et de séduire le plus grand nombre pour qu’il rentre au pays. En effet il y a des centaines de milliers de Rwandais, en majorité Hutu, à l’étranger. Ces gens forment la base de l’opposition car ils sont loin de la terreur et de la répression que le régime exerce quotidiennement sur les Rwandais de l’intérieur. Le pouvoir essaie de les gagner à sa cause grâce à sa propagande et à sa collaboration efficace avec certains d’entre eux et avec les Tutsi de la diaspora afin d’affaiblir les forces de l’opposition.
Outre la promesse de postes juteux, une alléchante méthode de base utilise aussi l’ouverture économique et donc la possibilité de faire du commerce au Rwanda. Cela débouche sur un dilemme difficile pour les Rwandais en exil, étant donné que beaucoup d’entre eux désirent vivement retourner au pays pour des raisons variées : politique, économique, sociale. Ce n’est un hasard si le régime organise périodiquement des sessions d’endoctrinement de la diaspora par ce qu’il appelle « les rencontres de la diaspora ». Cela lui permet non seulement d’actualiser les instruments de propagande mais aussi d’alimenter les divisions au sein des exilés.
Par ailleurs, les rivalités entre aspirants ou au sein même des cooptés permettent de surveiller étroitement les Hutu de service car, pour s’attirer les faveurs du Parrain, ils lui rapportent d’eux-mêmes les commentaires ou les actes déviants observés chez les autres. Aveux ou pas des concernés, ces informations sont utilisées contre eux comme moyen de pression pour les manipuler et les contrôler davantage. Il n’y a ni pardon, ni absolution, ni secret du confessionnal, tout ce qui est dit est utilisé contre vous.
4. LE MONOPOLE DES AFFAIRES ET LA PAUPERISATION DES MASSES.
La prise du pouvoir par le FPR est allée de pair avec le pillage organisé des biens tant publics que privés par une pègre composée de membres de la hiérarchie militaire et civile du FPR et de leurs acolytes issus de la diaspora tutsi. Ce pillage a alimenté un trafic transfrontalier qui a amputé l’appareil productif du pays d’une part importante de sa capacité et a fortement ébranlé l’économie nationale déjà fragilisée par les vols et par des actes de vandalismes opérés par les miliciens Interahamwe avant leur fuite.
Après la mise en place de nouvelles institutions, le régime a largement bénéficié de la générosité de la communauté internationale par l’apport massif de dons destinés à la reconstruction du pays. L’activité économique a repris peu à peu, générant des recettes non négligeables pour le budget de l’Etat. Mais en même temps des réseaux concussionnaires se sont constitués au sein de la classe dirigeante dont les membres sont devenus multimillionnaires en un temps record à la suite des pillages, de la corruption qui s’est généralisée à tous les échelons de l’administration, ainsi que par le détournement aussi bien des deniers publics que de l’aide internationale.
Ces mêmes réseaux concussionnaires sous le contrôle de Kagame et son Akazu se sont progressivement octroyé le monopole de l’industrie et du commerce. Aujourd’hui c’est un secret de polichinelle : les sociétés telles NPD-COTRACO, MTN, TRISTAR, BCDI, AGROCOF, RWANDAMETAL, RWANDACELL, INTERSEC, Intercontinental, Hôtel Akagera, Hôtel Sun Kivu, INYANGE, Mutara Entreprise, Trading Company, Nyarutarama Development…appartiennent à Kagame ; en outre, les entreprises de l’Etat privatisées à tour de bras ont été cédées à des sociétés étrangères dans lesquelles il détient des actions substantielles.
L’article ci-après « Le FPR dans le commerce occulte » du journal UMUCO n°13 du 25/05 au 09/06/2005 donne un aperçu informatif sur la main mise de Kagame et son Akazu sur l’économie nationale.
« D’après les informations en provenance des milieux politiques et de certains hommes d’affaires de ce pays, le FPR continue à prendre des parts dans presque toutes les entreprises importantes de ce pays. Tout cela, il le fait à la manière de la mafia, surtout que les entreprises connues comme étant sa propriété, sont les seules à bénéficier des marchés les plus convoités dans le pays. Parmi ces entreprises, les plus citées sont par exemple [le holding] TRISTAR, dont on dit actuellement qu’il va acquérir la BCDI, naguère considérée comme appartenant à Alfred Kalisa Gakuba, d’autant plus qu’il [le holding TRISTAR] était propriétaire de 13,7% de parts sociales ; mais on dit qu’en raison de la tricherie découverte chez Kalisa, lequel se servait sans modération avec son compère Egide Gatera, propriétaire de 18,36% de parts, cela pourrait leur valoir la perte de toutes ces parts dont ils étaient crédités dans cette banque, au bénéfice de TRISTAR dont on dit qu’il est la propriété du FPR, en dépit de son enregistrement sur le compte de ses partisans, aux fins de lui donner des apparences de légalité, dans la pure tradition mafieuse.
Ledit holding dispose en outre de plusieurs parts sociales dans RWANDACEL et, s’il était vraiment vérifié que le holding TRISTAR est la propriété du FPR, ce serait honteux et lamentable, surtout qu’il ne se trouve pas un seul client qui ne reproche à RWANDACEL sa tricherie sur les unites [d’appel], son tarif trop élevé, et d’autres vices, dont le maintien du monopole d’exploitation; et surtout qu’il est encore dit que TRISTAR a eu une part dans le trafic des minerais en provenance du Congo, assertion à l’origine de l’accusation du Rwanda pour pillage.
Conséquence également de ce trafic de TRISTAR au Congo, lequel aurait généré d’innombrables milliards, serait la déchéance du colonel Karegeya par Kagame, pris d’une violente colère, en raison du mauvais usage de ces fonds. Surtout que certaines personnes n’hésitent pas à dire que ce qui est considéré comme trafic du FPR pourrait bien être, en réalité, son affaire personnelle et celle des gens qui travaillent secrètement pour son compte.
Parmi les autres sociétés dont on parle figurent INYANGE, Mutara Entreprise, Trading Company, AGROCOF, Nyarutarama Development et bien d’autres. Ce qui continue à alimenter des débats fort animés parmi les observateurs les plus avisés de la politique du Rwanda, c’est, dit-on, la conséquence d’une telle situation, qui verra les autres formations politiques s’enfoncer inexorablement dans la misère, surtout qu’elles ne sont même pas autorisées à accepter des dons, pendant que le FPR, qui aura amassé beaucoup de richesses, sera en position de réunir une grande force votante et de détruire les autres formations politiques, comme le fit naguère le MRND.
Autre chose: en ces temps, il est devenu clair dans le monde entier que les élections exigent beaucoup d’argent, si bien que pendant que certains seront pauvres, les autres seront bien nantis. Il est des gens qui disent que, en parlant du commerce occulte, dit aussi commerce mafieux, il y a le risque de ne pas épuiser le sujet, et même d’y perdre la vie, surtout que, bien que ces affaires soient prêtées au FPR, cela est inexact dans la mesure où c’est plutôt la propriété du groupuscule qui monopolise le FPR.
Et ces gens de se demander comment on peut expliquer l’affaire de l’Hôtel Sun Kivu, de l’Hôtel Akagera, de l’Hôtel Intercontinental, et comment on peut percer le secret autour de leur construction qui avait les allures d’une affaire privée d’un seul individu? Puisque même l’argent qui y était affecté avait été baptisé “argent du coltan”. Ce qui est surprenant, c’est le fait que toutes ces affaires se trouvent entre les mains de quelques individus, pendant qu’on continue à dire qu’elles sont une propriété commune, celle du FPR, mais, à chaque jour qui passe, cette affaire sera dévoilée, en raison de la mésentente dans sa gestion, conséquence en grande partie de la cupidité de certaines personnes qui les pousse à se faire la querelle et à dévoiler ainsi les secrets au public.
Il ne reste plus qu’à suivre des yeux ces choses car, comme a dit l’autre à juste titre, quiconque mange la part de son ami, finit le repas sans être rassasié.» [ traduction de Joseph Ngarambe]
Dans les autres secteurs productifs où ce monopole n’est pas encore effectif, cela est en voie d'être réalisé par la main invisible de Kagame et de son Akazu.
Derrière le monopole des affaires de la part de Kagame et de l’Akazu se cache aussi un objectif politique :
a- d’une part, mettre fin à la puissance politique des Hutu. En effet, sous toutes les latitudes, pour construire et conduire l'opposition à l’intérieur d’un pays ou à partir de l’extérieur, il faut, entre autres moyens, de l'argent. Cela Kagame le sait pour être passé par là. C’est pourquoi il fait tout pour que l'argent du pays (public et privé) soit sous son contrôle.
Certes la victoire du FPR a porté un coup dur à la puissance politique des Hutu. Mais ce n’était pas suffisant ; il fallait aussi détruire leur puissance économique en tant que propriétaires fonciers, poids lourd démographique, artisans, fonctionnaires, opérateurs économiques, etc. pour écarter tout danger. En effet, qui dit ressources dit indépendance d’esprit et donc un danger potentiel pour le régime.
Pour ce faire le FPR s’est, dans un premier temps, abrité derrière le chaos consécutif à la défaite de l’ancien régime pour exécuter la première phase de son plan : souvenons-nous des expropriations massives, des squatages des biens et des propriétés des Hutu, de l’élimination ciblée des commerçants hutu, des massacres massifs des populations paysannes… Cette phase a écorné l’image du régime auprès de ses soutiens occidentaux (qui eux sont attachés à la propriété privée) et n’a pas eu les résultats escomptés malgré les dégâts.
Il était donc indispensable de revoir le plan et de mettre en place des stratégies plus élaborées, plus efficaces et moins voyantes afin de rendre leur survie économique de plus en plus difficile et précaire, en leur privant des ressources qui pourraient assurer leur indépendance. Voilà la raison d’être de l’abandon destructeur des petits centres de négoce au fin fond des collines, de la nouvelle loi sur le régime foncier (destinée à leur dépouiller de leurs terres au profit de l’Akazu et ses suppôts), des chambardements des domaines et cadastres dans la capitale (pour leur priver des revenus locatifs de leurs biens immeubles aujourd’hui en destruction systématique), de l’augmentation des impôts et des taxes pour ruiner progressivement les opérateurs économiques Hutu d’autant plus qu’une règle non écrite mais efficace dans la pratique les écarte de la manne juteuse des marchés publics et des commandes de fournitures et de matériels de bureaux pour les services publics.
Dans le même objectif, dans la fonction publique, les Hutu, en plus d’être les premiers visés par les mesures de réduction des effectifs, doivent se contenter des postes du bas de l’échelle d’autant plus que les écarts de salaires entre les cadres (généralement Tutsi de la diaspora) et les petits fonctionnaires (généralement Hutu et Tutsi ayant toujours vécu au Rwanda) sont énormes. Et quand il y a augmentation de salaires, les grands bénéficiaires restent les cadres ; les bas niveaux continuent à souffrir, car, en même temps, le régime élève le prix des transports en communs, de l’électricité…mais aussi des biens de première nécessité, souvent importés. Par ce moyen, les Hutu sont progressivement jetés dans les rangs du prolétariat et n’ont d’autre choix que de se courber pour obtenir le droit d'exister.
b- d’autre part, Kagame cherche à appauvrir ses sujets qui, absorbés par la vie quotidienne, n’ont pas le temps de conspirer. Même si les Hutu, en tant qu’ennemi principal désigné du régime, constituent la principale cible de cette politique, ils ne sont pas les seuls à en payer les frais. Les Tutsi qui n’ont pas de connexion avec l’Akazu (c’est l’immense majorité) en sont des victimes collatérales et souffrent autant que les Hutu. Un autre sacrifice dont ils doivent s’accommoder en échange de la sécurité que leur assure l’APR!
La campagne médiatique entretenue par le Gouvernement rwandais en direction de ses partenaires occidentaux sur le taux de croissance spectaculaire du pays, n’est que pure démagogie. Les faits parlent d’eux-mêmes : les Rwandais s’enfoncent de plus en plus dans la misère au moment où le train de vie somptuaire de l’Akazu et de ses obligés (ministres, sénateurs, députés, hauts fonctionnaires) continue à atteindre les sommets : luxueuses maisons et voitures de fonctions, innombrables missions à l’étranger et frais de missions exorbitantes, nombreuses escortes, frais de représentations énormes, indemnités de fonctions, des frais d’intendance et autres avantages scandaleux (cfr l’Arrêté présidentiel ad hoc n° 59/01 du 27 décembre 2005) dans un pays où la population meurt de faim ! « Depuis qu'on parle du programme de lutte contre la pauvreté, les Rwandais s'appauvrissent de plus en plus. La majorité d'entre eux vivent dans des conditions misérables…durant ces dix dernières années, les prix se sont multipliés par dix, voire même plus. Au même moment, le pouvoir d'achat n'a cessé de baisser…Tout cela n'intéresse personne, on pense au peuple quand la période électorale approche…Je ne sais pas si les dirigeants se rappellent qu'un paysan peut gagner à peine 300Frws [50 centimes d’euro] par jour et que cet argent ne peut pas lui permettre d'acheter un kilo de sucre ou d'envoyer son enfant à l'école…A quoi servent ces 300Frs ?… les paysans n'ont aucune perspective d'avenir. Les campagnes sont très pauvres et la situation s'empire au jour le jour… » (Journal UMUCO, mai 2005).
Ainsi, dotés à la fois d’un pouvoir politique et économique grâce à des profits excessifs Kagame et son Akazu disposent de moyens colossaux pour continuer à opprimer le peuple et pour écraser toute opposition politique.
5- CONCLUSION.
La force de Kagame repose à la fois sur sa capacité à maintenir les Rwandais dans l’impuissance d’agir, grâce à la violence, à la terreur et à la corruption, et dans sa capacité de dissimulation et de diversion. Alors que dans le concret il règne par la terreur, tue, massacre, extermine, rase et multiplie les traumatismes afin de créer chez la population un état d’hébétude, inhibant sa capacité de réaction et favorisant l’emprise et la soumission, il parvient à se cacher derrière des intentions louables censées améliorer la situation du continent africain en général et du Rwanda en particulier.
Est-ce à dire que les chefs d’Etat des démocraties occidentales qui déroulent le tapis rouge à Kagame, ou ces chercheurs, journalistes, hommes politiques, et autres lobbyistes qui continuent à encenser Kagame et son régime ou encore ces universités américaines et autres institutions qui lui décernent des médailles de mérite n’ont pas conscience que cet homme est le « plus grand criminel de guerre encore en activité » (plus de six millions de personnes à son palmarès) !? Ou attendent-ils un de ces ouragans de l’histoire (dont ils ont le secret) pour se défaire de cet ami de plus en plus encombrant, comme ils l’ont fait pour les Talibans, Milosevic, Mobutu, Saddam, Savimbi… ?
Quoi qu’il en soit, c’est d’abord au peuple rwandais qu’il appartient de prendre son destin en main en cessant de croire en la fatalité et en refusant de se soumettre paisiblement à la tyrannie de ce monarque-président, pour enfin inscrire de manière indélébile et irrevisible la liberté, la justice, l’égalité des chances, la démocratie et l’Etat de droit dans son quotidien.
Cependant, pour que la liberté, l’égalité des chances, la démocratie, la justice, l’Etat de droit ne restent pas de doux rêves, il faut mener un combat. Ce combat, les Rwandais ne le gagneront pas avec des incantations. Ils doivent cesser de subir pour commencer à agir.
Les Rwandais ne gagneront pas non plus ce combat ni par une révolution de palais ni par la réédition de la révolution sociale de 1959 ni par les schémas de l’exploit militaire du FPR en 1994. L’histoire ne sert jamais deux fois les mêmes plats ; contrairement à l’adage, l’histoire ne se répète jamais car ce qui fut valable hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Et l’homme qui refuse de tirer des leçons de l’histoire se condamne à répéter les mêmes erreurs.
Il serait également utopique de croire qu’on puisse survivre individuellement ou en tant que nation sans corriger les erreurs du passé. Quand la mémoire fait mal, il ne sert à rien de l’anesthésier, ou bien elle se venge.
Faire sa place à la vérité sur l’histoire du Rwanda : de la monarchie à la naissance de la République, de la guerre dite d’octobre au génocide, des trois républiques successives, ce n’est pas regarder stérilement vers le passé c’est s’engager pour l’avenir en prévenant les ressentiments qui ne prospèrent jamais mieux que dans le non-dit, puisque nier un problème n’a jamais aidé à le résoudre.
Aux combattants de la démocratie et de la liberté (Hutu et Tutsi) de s’unir, non seulement pour être l’âme d’une résistance hardie mais surtout pour proposer une alternative et pour inspirer les forces qui assureront sa mise en œuvre. A eux de montrer qu’on peut construire un Rwanda meilleur. A eux, par leur action politique de jeter les bases permettant aux générations futures de vivre ensemble et mieux que nous.

Lyon, Février 2006.
Eugène NDAHAYO

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